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décembre 2021

Paierons-nous bientôt avec des euros numériques ?

Aujourd’hui, nous avons déjà le choix de payer nos achats en cash, par carte, via PayPal, avec notre smartphone, avec un bracelet, etc. La Banque centrale européenne prône désormais une nouvelle alternative : l’euro numérique. Découvrez pourquoi cette idée n’est pas aussi folle qu’elle n’y paraît.

Après la crise financière de 2007-2008, Paul Volcker, l’ancien directeur de la banque centrale américaine, déplorait que le distributeur automatique de billets soit la dernière innovation utile du monde financier. Plus de dix ans plus tard, les innovations technologiques ont considérablement transformé le paysage de la finance. Les cryptomonnaies représentent aujourd’hui un marché de plusieurs centaines de milliards d’euros. Investir avec quelques pièces de monnaie ou acheter des parts d’actions est même devenu possible. Plus que jamais, les opérations bancaires se font via nos smartphones. Il n’y a même plus rien d’étonnant à payer ses courses au supermarché sans contact, avec une montre connectée ou une bague intelligente plutôt que par carte bancaire.

Un compte courant pour tous auprès de la Banque centrale européenne ?

Nous pourrions même vivre prochainement une autre révolution, avec l’introduction des CBDC (Central Bank Digital Currencies) ou des govcoins (government coins), des versions numériques de l’euro ou du dollar. Ces govcoins incarnant la nouvelle monnaie seraient émis par une banque centrale (ou un gouvernement). Il serait même possible de gérer vos e-euros directement auprès de la Banque centrale européenne, de la même manière que vous le faites déjà aujourd’hui avec l’application ou la plateforme en ligne de votre banque. Votre argent serait contrôlé par la banque centrale et non plus par une banque commerciale.

Les monnaies numériques, de l’Australie à la Suède

Plus de 50 autorités monétaires se penchent actuellement sur les monnaies numériques. La Banque centrale des Bahamas émet déjà sa monnaie numérique, le sand dollar, qui possède la même valeur que le dollar bahaméen. La Chine, quant à elle, a déployé son projet pilote d’e-yuan auprès de plus de 500 000 personnes et souhaite que les athlètes et les visiteurs puissent utiliser cette monnaie numérique pendant les Jeux d’hiver de 2022. L’Union européenne, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont également à la recherche d’une version numérique de l’euro, de la livre sterling et du dollar américain.

Pas de cryptomonnaies

Bien qu’ils soient issus de la même technologie, les govcoins ou CBDC diffèrent fondamentalement des cryptomonnaies. En effet, les prix des cryptomonnaies telles que le bitcoin fluctuent considérablement, ce qui les rend difficiles à utiliser comme moyen de paiement ou unité de compte. En outre, il n’existe aucune agence gouvernementale pour les soutenir ou les superviser. Au départ, l’objectif des cryptomonnaies était précisément de se passer des banques centrales et des gouvernements. Avec les govcoins, les banques centrales et les gouvernements reprennent l’avantage. 

Pourquoi un euro numérique ou un dollar numérique ?

L’une des forces motrices des gouvernements et des banques centrales est la peur de perdre le contrôle. Aujourd’hui, les banques centrales utilisent le système bancaire pour renforcer et superviser la politique monétaire. À mesure que les paiements, les dépôts et les prêts migrent des banques vers d’autres acteurs de toutes sortes (par exemple, les Amazon de ce monde), les banques centrales ont du mal à piloter l’économie, à assurer la stabilité des prix et à injecter de l’argent dans le système en cas de crise. Des écosystèmes commerciaux non réglementés pourraient également donner lieu à un far west de fraude et d’abus de la vie privée.

Des moyens de paiement gratuits et universels

Autre raison pour laquelle tant de banques centrales travaillent sur les monnaies numériques : construire un meilleur système financier. Idéalement, la monnaie constitue une réserve de valeur fiable, une unité de compte stable et un moyen de paiement efficace, mais en réalité, ce n’est pas toujours le cas, ni partout. Les banques courent le risque de faire faillite et les services bancaires ne sont pas toujours gratuits. Les govcoins pourraient apporter davantage de sécurité, car ils sont garantis par l’État et les banques centrales et utilisent un système bancaire unifié. Les monnaies numériques gouvernementales pourraient également être utiles aux gouvernements, par exemple pour effectuer des paiements instantanés aux citoyens. Par ailleurs, les consommateurs bénéficieraient d’un moyen de paiement gratuit, sûr, rapide et universel.

Nouvelle monnaie, nouveau risque

Cependant, cette attraction engendre également des dangers. Libérés de toutes restrictions, les govcoins pourraient rapidement dominer la scène financière et déstabiliser les banques commerciales, car si la plupart des particuliers et des entreprises déposent leur argent dans les banques centrales, les prêteurs devront trouver d’autres sources de financement pour couvrir leurs emprunts. Si les banques de détail venaient à disparaître, il faudrait trouver une autre solution de prêts, ce qui soulève la sombre perspective que les bureaucrates influencent l’attribution des crédits.

Sans parler du fait que les govcoins risqueraient de devenir un moyen de contrôle sur les citoyens, par exemple via des amendes électroniques instantanées pour « mauvais comportement ». Par ailleurs, un gouvernement pourrait décider de rendre impossible l’achat de certains biens, par exemple, des livres, avec des govcoins. Dans les petits pays, au lieu d’utiliser la monnaie locale, les gens pourraient passer aux devises étrangères, ce qui entraînerait une déstabilisation au niveau national.

Aperçu de la situation de l’euro numérique

Après une phase d’analyse, la Banque centrale européenne (BCE) a récemment donné le feu vert à la poursuite des recherches sur un euro numérique. Ces recherches devraient s’achever en automne 2023 et servir de tremplin à un éventuel lancement.

Les banques centrales émettent de la monnaie, comme la BCE dans la zone euro. La BCE ne sera jamais à court d’euros, contrairement aux banques commerciales. Si une banque commerciale venait à faire faillite, vous pourriez perdre votre argent, même si une partie est protégée. Avec un euro numérique, le risque pour les consommateurs de perdre leur argent est réduit. En outre, le rôle de l’argent liquide a fortement diminué ces dernières années, une autre raison pour laquelle la BCE envisage un euro numérique.

Aujourd’hui, les consommateurs règlent déjà leurs achats de différentes manières, mais l’e-euro pourrait s’avérer un précieux complément. Dans certains pays, notamment en Europe, les paiements sont encore relativement lents et coûteux. L’utilisation de l’e-euro atténuerait ce problème. En outre, la BCE souhaite éviter de dépendre d’une monnaie numérique émise en dehors de l’Europe. En Europe, les sociétés américaines MasterCard et Visa traitent déjà la grande majorité des transactions par carte de crédit. Facebook, quant à lui, nourrit (encore) des projets de monnaie numérique.

L’euro numérique devrait garantir à tous les citoyens de la zone euro le libre accès à un moyen de paiement simple, universellement accepté, sûr et fiable. Il resterait néanmoins un euro, tout comme les billets de banque, mais en version numérique. Il semble que le « back-end » invisible de l’euro numérique se trouverait à la BCE à Francfort. Le « front-end » (applications, service à la clientèle) serait fourni par des parties commerciales.

Un euro numérique ne remplacerait pas l’argent liquide, mais il le compléterait. La BCE est également susceptible de fixer une limite supérieure au nombre d’e-euros détenus par les particuliers afin d’éviter l’érosion des banques commerciales. Fabio Panetta, membre du conseil d’administration de la BCE, a laissé entendre au début de l’année que la BCE envisageait un plafond de 3 000 €.

La décision sur l’avenir de l’e-euro ne sera pas prise avant 2023 au plus tôt. Par la suite, il faudra peut-être plusieurs années avant que le système ne soit entièrement déployé et que tous les acteurs travaillent dans la même direction. La BCE a déclaré consacrer une attention toute particulière à la protection de la vie privée.

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