4,3 millions d’euros. Aujourd’hui, pour cette somme, vous pouvez construire une villa avec piscine dans un superbe endroit. Pour ce même montant, un groupe d’investisseurs a acheté un terrain en fin d’année dernière, non pas à Knokke-Heist, mais dans le métavers.
Le métavers est un univers virtuel dans lequel il est possible de vivre, d’habiter, de travailler, de faire des achats, de jouer, d’explorer et de vous détendre dans la peau d’un avatar (une sorte de double virtuel de vous-même). Pour ceux qui connaissent la référence, il est un peu comparable au jeu Les Sims. Toutefois, le métavers va encore plus loin en associant à l’expérience la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Il est donc censé représenter un lieu où les mondes réel et virtuel se confondent.
Le métavers devient peu à peu une économie à part entière (la « métanomique »). Il est déjà possible d’acheter des vêtements Nike ou Gucci pour votre avatar dans des boutiques virtuelles ou d’assister à un concert virtuel avec les avatars de vos amis. Selon McKinsey, 40 milliards de dollars ont été dépensés en vêtements virtuels dans le métavers rien qu’en 2020. Bill Gates, le fondateur de Microsoft, prévoit que les réunions Zoom ou Team telles que nous les connaissons aujourd’hui (via une image en 2D) deviendront des réunions en 3D dans le métavers d’ici quelques années. Ce n’est pas un hasard si Mark Zuckerberg a changé le nom de la société mère de Facebook en « Meta » l’an dernier. Le métavers est donc, selon certains, l’avenir de l’internet.
Il existe actuellement une centaine de plateformes de métavers de ce type. Les quatre principaux acteurs sont The Sandbox, Decentraland, Cryptovoxels et Somnium. Malgré leur aspect différent, ils fonctionnent selon le même principe. Vous pouvez, avec ou sans lunettes de réalité virtuelle, explorer, rencontrer des gens, assister à des événements et, bien sûr, acheter toutes sortes d’attributs.
Dans le métavers, on peut tout acheter et vendre, y compris des biens immobiliers et des terrains à bâtir. Les quatre grands acteurs ont enregistré ensemble plus de 500 millions d’euros de transactions immobilières en 2021. De grandes entreprises telles que Samsung, McDonald’s et Adidas, mais aussi des banques comme HSBC et JP Morgan y ont acheté des terrains qu’elles aménagent à diverses fins. Pour elles, c’est un moyen d’atteindre les clients déjà actifs dans le métavers ou qui viendront bientôt dans ce monde virtuel. C’est aussi une manière d’investir.
Pour les entreprises, il s’agit donc à la fois d’un investissement et/ou d’un canal marketing. Mais cet immobilier virtuel est-il également destiné aux particuliers ? Ou s’agit-il d’une nouvelle bulle susceptible d’éclater du jour au lendemain ?
Comme pour l’achat d’un terrain ou d’un bâtiment dans le monde réel, il y a deux raisons pour lesquelles les gens souhaitent investir dans le métavers. La première, et probablement la plus sûre, est d’acheter un terrain pour l’utiliser, par exemple pour y construire une maison où accueillir vos amis-avatars, ou encore pour bâtir un lieu où offrir une expérience (une discothèque, un musée, un parc d’attractions, etc.) en vue d’éventuellement récupérer un jour leur investissement. C’est un peu comme posséder une page web personnelle aux balbutiements d’internet, mais dotée d’une foule d’options.
La deuxième raison de l’achat concerne l’investissement, on veut acheter à bas prix et revendre plus cher par la suite. Mais comme pour tout investissement, il n’y a aucune garantie que la valeur du bien augmente. En 2020 et 2021, par exemple, on a observé un engouement considérable pour les terrains à bâtir et les biens immobiliers dans le métavers, entraînant une forte hausse des prix. Les investisseurs achetaient des terrains numériques, car ils pensaient en tirer de belles sommes à l’avenir, lorsque l’intérêt augmenterait. Cette euphorie a toutefois pris fin en 2022. Le goût du risque des investisseurs s’est atténué, entraînant une diminution des transactions immobilières et une baisse des prix. En somme, ce phénomène est comparable au plongeon des cryptomonnaies et des jetons non fongibles (NFT) au premier semestre de l’année 2022. Les cryptomonnaies étant le moyen de paiement dans le métavers, leur déclin est également fortement lié à celui de l’immobilier. En juillet 2020, par exemple, le prix d’une parcelle de terrain à Decentraland affichait 17 700 dollars. En juillet 2022, il avait chuté à 3 000 dollars.
Les biens virtuels sont donc hautement spéculatifs par nature. Si vous envisagez d’investir dans ce domaine, vous risquez de voir votre bien perdre toute sa valeur. Plus le risque est élevé, plus le rendement potentiel est important, mais plus la perte potentielle est grande également.
Si le métavers vous est totalement étranger, il vous faudra un certain temps pour vous y habituer. Y effectuer un achat est un peu plus compliqué que de commander un billet de concert en ligne ou un plat à emporter sur une application. Pour comprendre son fonctionnement sans trop se casser la tête, l’idéal est de regarder des vidéos d’instruction sur YouTube ou sur la plateforme elle-même.
Les biens, y compris des biens immobiliers ou des terrains à bâtir, s’acquièrent par des cryptomonnaies. L’Ethereum est très populaire, tout comme le SAND (la monnaie liée à la plateforme The Sandbox) et le MANA (lié à la plateforme Decentraland). L’achat des « bonnes » pièces constitue donc généralement la première étape après avoir déterminé sur quelle plateforme vous souhaitez acheter des biens immobiliers ou des terrains. La vente et la propriété du bien sont enregistrées par le transfert de NFT. Il est donc préférable de stocker les cryptomonnaies dans un portefeuille (ou wallet) qui peut également accueillir des NFT, comme Metamask et Binance.
The Sandbox et Decentraland sont actuellement les plateformes favorites des investisseurs virtuels. L’achat de terrains sur ces plateformes peut se faire directement sur la plateforme elle-même ou par l’intermédiaire d’une place de marché NFT telle qu’OpenSea et nonfungible.com. Pour les parcelles les moins chères (prix observés à la fin du mois de juillet 2022) sur The Sandbox, il vous faudra débourser environ 2 000 € pour acquérir une parcelle de base de 96 mètres carrés. Sur Decentraland, la plus modeste parcelle est à environ 3 000 € (16 mètres carrés). Plus la parcelle est grande et plus l’emplacement est attrayant, plus le nombre de zéros augmente. Dans le métavers, vous pouvez vous téléporter n’importe où. En théorie, le lieu importe donc peu. Mais dans la pratique, les parcelles situées à côté des entreprises et des attractions célèbres ou appartenant à des stars sont beaucoup plus onéreuses.
Vous pouvez concrétiser vos projets personnalisés grâce aux différents outils de construction mis à disposition sur la plateforme, il n’est donc pas nécessaire de maîtriser la programmation. En outre, il est également possible d’acheter des objets créés par d’autres joueurs.
Cette question est sans doute la plus essentielle. L’achat de terrains virtuels est un investissement risqué, tout comme l’achat de cryptomonnaies et de NFT.
Tout d’abord, le marché n’est pas réglementé. En cas de problème, par exemple si un escroc disparaît avec votre argent, les recours pour réclamer votre dû sont minimalistes, voire inexistants. Les transactions étant effectuées en cryptomonnaies et en NFT, vous devez également veiller à les stocker en toute sécurité.
Autre élément à prendre en compte : la rareté. Dans le monde réel, les terrains à bâtir et les biens immobiliers ont toujours pris de la valeur avec le temps. Le nombre de terrains à bâtir n’est pas infini, et le nombre de personnes intéressées par l’immobilier ne cesse d’augmenter. Dans le monde virtuel, l’espace est potentiellement illimité. Si toutes les parcelles virtuelles d’une plateforme sont vendues, mais qu’il existe encore une demande, rien n’empêche le développeur d’écrire quelques lignes de code supplémentaires et de créer d’autres parcelles. De plus, le nombre de nouvelles plateformes de métavers ne connaît pas de limite.
À long terme, cela dépendra de l’avenir du métavers lui-même. Certains acteurs influents, de Facebook (Meta) à Microsoft, y voient la prochaine génération de l’internet. Si tel est le cas, et que le métavers devient aussi important dans les vingt prochaines années qu’internet l’a été au cours des vingt dernières, l’immobilier numérique est susceptible de gagner de la valeur et du terrain, au sens propre comme au figuré.
Selon les critiques il ne s’agit que d’une nouvelle bulle (immobilière), attirant des investisseurs involontaires dans des projets qui finiront par perdre leur valeur. Affaire à suivre…
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